L'esthétique Contre-Cool
A propos de L'esthétique Contre-Cool : guide à l'usage de ceux qui veulent échapper à leur époque, de Pierre Robin, Rue Fromentin | 156 p. | 2020.
« Tolérez mon intolérance ! » écrivait Jules Renard dans son Journal 1894-1904. Avec son Esthétique contre-cool, Pierre Robin semble avoir fait sienne la supplique tranquillement misanthrope de l’auteur de L’Écornifleur. Si dans deux ouvrages précédents, il nous avait dressé l’apologie de David Bowie ou des groupes « pop à mèches » des années new wave, Pierre Robin nous invite aujourd’hui à goûter aux inclinaisons particulières de son idiosyncrasie, proposant rien de moins qu’un guide, sobrement illustré et pince-sans-rire, à l’usage de ceux qui veulent échapper à leur époque.
Ancien pilier du groupe parodique Jalons, celui-ci nous invite donc à arpenter une géographie du « contre-cool », fanatiquement parisienne, froide et silencieuse, hiératique et racée, où la majesté marmoréenne des avenues du XVIIIème arrondissement est préférée aux fourmillements branchouilles du quartier Bastille… Son panthéon, marqué par les figures tutélaires d’Alain Delon et de Michèle Morgan, est à l’avenant : Salvador Dali y croise Evelyne Dhéliat, Jacques de Ricaumont se dandine sur Patrick Juvet, et Maurice Druon reluque Lova Moor, « survivante d’un temps où l’on pouvait être femme-objet sans mauvaise conscience ni naïveté ».
Ce vitellono des quartiers ouest de Paris – comme le surnomme Bertrand Burgalat, auteur de la préface du livre – a aussi le bon goût de nous dresser la collection hiver-hiver de son dressing où se rangent des chaussures de ville effilées et cintrées, des gants en cuir d’agneau noir de la maison Muriel et, bien évidemment, de virils trench-coats et autres Mackintosh. Un recueil de « citations & pensées » modérément consensuelles, et de plaisantes listes de films et de livres « contre-cools » accompagnent cet étrange ouvrage dont les parti-pris risquent fort de chatouiller les limites étroites de la tolérance commune de la plupart de nos contemporains.
Bruno DENIEL-LAURENT
La Revue des Deux Mondes - mars 2020